La découverte de l’Algérie se déroule aussi pendant les permissions. Beaucoup de soldats profitent de leur temps libre pour visiter le territoire algérien. Ces visites sont très diverses, allant de promenades dans des ruines antiques comme celles de Tipaza à des déambulations dans la Casbah (quartier historique d’Alger).
Pierre Cordier et un soldat aux portes de Metlili, film "Metlili des Chaamba", Pierre Cordier |
Famille algérienne. Photographie, fonds Le Richeux.
Famille nomade en Algérie. Photographie, fonds Le Richeux.
Cet attrait pour ce territoire méconnu et sa culture font écho aux pratiques orientalistes du XIXe siècle. Évidemment, l’époque n’est pas la même, mais il est intéressant d’observer des pratiques souvent proches réalisées par les appelés en Afrique du Nord. Cela donne souvent lieu à de véritables mises en scènes. Lorsque le soldat est présent dans un lieu atypique qui pour lui représente bien l’Algérie ou l’une de ses caractéristiques, il n’est pas rare de voir le filmeur poser ou marcher devant la caméra avec un large sourire. Ces films et photographies sont régulièrement envoyés à leur famille afin de les rassurer et de leur faire partager des découvertes. Dépeignant ainsi une fausse réalité qui se développe dans la mémoire collective après-guerre, où le soldat en Algérie ne serait présent que pour du tourisme, ce qui est bien sur, loin d’être la vérité. Il n’est pas rare d’apercevoir des soldats patrouiller dans les mêmes zones où plusieurs de leurs camarades sont en permission.
Soldats français devant un édifice religieux en Algérie. Photographie, fonds Le Richeux. |
Quatre fois plus grande que la France métropolitaine, l’Algérie est un territoire très vaste aux paysages et reliefs pluriels. Le nord de l’Algérie concentre la majorité de la population jusqu’à l’Atlas tellien et saharien. Composé de massifs célèbres comme l’Ouarsenis ou les Aurès, c'est dans ces secteurs que l’armée française connaît les plus durs combats face au Front de libération national. Au-delà de cette barrière montagneuse, le Sahara regroupe plus de 80 % du territoire algérien. Les troupes françaises y sont présentes, notamment pour les puits de pétrole qui représentent un intérêt stratégique.
Convoi dans le désert, film "Sahara", Roger Vivier |
Cactus en Algérie. Photographie, fonds Le Richeux
Fennec apprivoisé, film "Metlili des Chaamba", Pierre Cordier
Devant ces vastes paysages, les soldats immortalisent une géographie qui est inconnue pour eux, ils prennent en photographie tout ce qu’ils n’ont pas l’habitude de voir. Ainsi, le filmeur fixe des cactus atypiques, le désert, les montagnes et autres oasis. Peuplés d’animaux inhabituels pour des Européens, nombreuses sont les photographies de scorpions et de reptiles. Ces notions d’orientalisme et d’exotisme vis-à-vis de la métropole se retrouvent également au sein des traditions militaires. Nombreuses sont les unités d’Afrique du Nord comme les spahis algériens, les régiments d’artillerie d’Afrique pour ne citer qu’eux, à reprendre des traditions qui pour les appelés sont parfois surprenantes. Les uniformes sont traditionnels et adaptés aux coutumes locales. Les soldats sont à cheval ou à dos de dromadaires pour les cérémonies militaires.
Défilé des Spahis lors des commémoration du 11 Novembre, film, "Fête militaire à Ouargla", Pierre Cordier |
Soldats français et famille nomade en Algérie. Photographie, fonds Le Richeux.
Soldats de l'armée française dans une jeep en Algérie. Photographie, fonds Le Richeux
Cette vision « fantasmée » et orientaliste ne reflète évidemment pas la réalité, les hommes filment et photographient ce qui est « beau et agréable » à regarder pour eux comme pour leurs proches. Il n’est pas possible pour les soldats de filmer les combats et tout ce qui est indicible ou invisible. Au travers de ces traditions et visions locales, c’est aussi tout un pan du colonialisme qui est visible.
Enfants des rues de Ghardaïa, film "Algérie 1", Pierre Cordier |