L'Ile de France (1927 - 1959)

Le 22 juin 1927, le paquebot Ile de France, construit dans les fameux chantiers de la Transatlantique de Penhoët (Saint-Nazaire), quitte Le Havre en direction de New York.

Ses 241 mètres de long, 28 mètres de large et sa capacité à embarquer 2 850 personnes (dont 800 membres d’équipage) en font un des géants des mers de son époque.

   
Paquebot Ile-de-France au Havre, Photogrammes issus de Excursion des anciens combattants , 1939, Charles DAVOUST, Collection Normandie Images

Photogrammes issus de Le Port Autonome du Havre, 1931, Collection French Lines & Compagnies.

La première classe y occupe une place importante alors que la place réservée aux immigrants est drastiquement réduite. En effet, à bord, la première classe représente 45% du total des passagers.

Surnommé « La rue de la Paix de l’Atlantique », ce paquebot est un véritable symbole de l’art de vivre à la française.

A l’époque, les compagnies maritimes européennes rivalisent de confort, de luxe et de splendeur pour attirer la clientèle. La concurrence est féroce sur la ligne de l’Atlantique Nord, il est donc indispensable de se démarquer. 

Salon première classe et salle à manger première classe à bord de l’Ile-de-France (CGT 1927), Collection French Lines & Compagnies (FL002990 & FL003712-.

L’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 embarque sur l’Ile de France : Jacques-Émile Ruhlmann, Louis Süe, André Mare, Pierre Patout… Tous les grands créateurs de l’époque sont à bord et le goût des élites se voit influencé et même modifié au contact d’un aménagement intérieur contemporain, aux lignes sobres et épurées.

Renvoyer à l’ITW de Ollivier TC : 19’02” - 21’32” (remplacer la photo dès que montage terminé)

Alors qu’avant 1914 les navires intègrent le luxe créé à terre, l’Ile de France opère un renversement en redéfinissant les codes de ce dernier directement en mer et s’affranchit des références aux styles historiques (comme le style Louis XIV sur le France de 1912) pour faire rencontrer aux élites d’alors le contemporain.  

Salle à manger de la première classe et salon de conversation et d'écriture de la première classe, dit grand salon Louis XIV, à bord du paquebot France (CGT 1912-1934), Collection French Lines & Compagnies (FL014612 & FL013858).

Durant les six jours de traversée, les 1 550 passagers bénéficient d’un voyage luxueux dans une ambiance festive caractéristique des années folles : le navire est en effet pourvu des meilleurs vins et les dîners se veulent à la hauteur de la réputation gastronomie française.

Photogramme issu de Le voyage du Président Auriol en Amérique du Nord ,à bord de l'Ile de France, 01/01/1951, INA Collection (FE03004987).

Tout est fait pour que le voyageur ne s’ennuie pas à bords : sur les ponts, on peut pratiquer de la gymnastique, du tir aux pigeons, du jeu de palet (appelé shuffleboard), de l’anno-tennis (ou deck-tennis), du jeu de petits chevaux ou encore du golf miniature

Jeux de pont et golf miniature à bord du paquebot Ile-de-France (CGT 1927), Collection French Lines & Compagnies (FL002328, FL004106 & FL002320).

Le soir, à l’intérieur, les passagers peuvent profiter de spectacles et autres soirées dansantes

Soirées dansantes à bord de l’Ile-de-France (CGT 1927), Collection French Lines & Compagnies (FL002335 et FL002332).

Le navire est même équipé d'une catapulte à hydravion, afin que les sacs postaux arrivent une journée avant le navire.

Catapultage, deuxième hydravion utilisé à partir de 1929 à bord de l’Ile-de-France et scène de catapultage à bord de l’Ile-de-France (CGT 1927), Collection French Lines & Compagnies (FL005806 & FL005809).

Mais la guerre éclate le 1er septembre 1939.

En mai 1940, la France est envahie. L’Ile-de-France se trouve alors dans l’océan Indien. Il se détourne vers Singapour, tenue par les Britanniques. Le paquebot est réquisitionné par les Alliés et converti pour le transport des troupes. Pendant toute la durée du conflit, le navire assure le transfert de près de 50 000 soldats et reçoit la Croix-de-guerre à la libération.

Après guerre, repeint en gris et vidé de son mobilier, Ile-de-France n’a plus rien du paquebot qu’il était.
De retour à Saint-Nazaire en 1947, il passe deux ans en rénovation et hérite au passage d’éléments de mobilier du Normandie -renvoyer vers chapitre dédié-, détruit lors d’un incendie dans le port de New York.
En juillet 1949, entièrement restauré et modernisé (notamment avec le retrait de sa troisième cheminée), Ile-de-France fait un retour triomphal au Havre.
 

Photogramme tiré de JT 20h, Le Havre: Désarmement du Paquebot Ile de France, 13/01/1959, Collection INA (CAF91067733)

Photogramme tiré de Saint Maclou, 1955, André MABRIEZ, Collection Normandie Images.
 

La légende du navire ne s'arrête pas là.

Le hasard veut que l’Ile de France se porte au secours de plusieurs navires : en 1950, il sauve l’équipage du Therese, un bateau de pêche sombrant dans l’Atlantique. L’année suivante, c’est au navire américain Chiswick qu’il porte assistance. En 1953, il fait de même avec un cargo libérien Le Greenville.

La mémoire collective retiendra avant tout le sauvetage des passagers du paquebot italien Andrea Doria, éperonné par un paquebot suédois. L’Ile de France sauve alors 753 personnes.
 

Sauvetages du Greenville et de l’Andrea Doria, retrouvailles des rescapés et de leurs familles, photogrammes issus du Journal Les Actualités Françaises, Le dernier départ de  l'Ile de France, 04/03/1959, Collection INA (AFE85008210).

A son retour à New York, L’Ile-de-France effectue une remontée triomphale de l’Hudson, accompagné par des remorqueurs, ainsi que de nombreux avions dans le ciel new-yorkais.

On l’appelle désormais, avec respect, le « Saint-Bernard des mers ».  

Mais le navire vieillit et la Compagnie Générale Transatlantique met en construction le futur France. 
 

En 1959, une société japonaise achète le paquebot pour le démanteler.
 

Photogrammes issus de France (Le), 1961, Martial DEBROS, Collection Normandie Images

Il quitte une dernière fois le port du Havre, salué par la foule, après 120 traversés et 5 sauvetages réalisés.

Photogrammes issus du Journal Les Actualités Françaises, Le dernier départ de  l'Ile de France 04/03/1959, Collection INA (AFE85008210).

Après avoir transporté des touristes, puis des troupes en plein conflit mondial, l’Ile de France va finalement servir de décor à la réalisation d’un film américain : The Last voyage (Andrew L. Stone, 1960).

 The Last voyage (Andrew L. Stone, 1960).

Tournage du film The Last Voyage à bord du paquebot Ile-de-France (CGT 1927) rebaptisé Furansu Maru, en 1959, Collection French Lines & Compagnies (FL021080 & FL021081)

Lors du tournage, il est saccagé pour les besoins de ce film catastrophe. Les intérieurs Art déco sont détruits par des explosifs et inondés. Le navire est en partie coulé, il s’agit, pour lui aussi, du « dernier voyage »…

L’Ile-de-France quitte pour la dernière fois le port du Havre en 1959, salué par la foule, Photogramme issu du Journal Les Actualités Françaises, Le dernier départ de  l'Ile de France, 04/03/1959, Collection INA (AFE85008210).

En France, l’agonie hollywoodienne du « Saint-bernard des mers » créait une vive émotion, seulement comparable à celle qui submergera le pays, une quinzaine d’années plus tard, pour le France.