Le matin du 18 août 1979, une foule immense et silencieuse se presse aux abords de l’écluse François 1er au Havre : les Havrais sont venus en masse dire adieu à un navire de légende qui ne s’appelle déjà plus France.
Symboliquement, un appel à la grève générale a été lancé. Cette dernière durera jusqu’à ce que le paquebot soit en pleine mer.
En signe de deuil, les remorqueurs ont mis leur pavillon en berne.
Daniel Savoye était alors chef mécanicien sur l'Abeille Provence, remorqueur de haute mer chargé de tirer le géant des mers jusqu’à Bremerhaven en Allemagne. Il se souvient de quelques huées au passage des digues. Mais, aussi, d’avoir pensé qu’il valait mieux que le bateau continue de naviguer plutôt que de croupir au « quai de l’oubli ».
Photogramme issu de Portrait de cinéaste, interview de Daniel Savoye, Collection Normandie Images
Le paquebot salue les remorqueurs de trois coups de sirène en passant devant le sémaphore. Mais, contrairement à la tradition, aucun ne répond.
Le France, dernier paquebot de la célèbre Compagnie Générale Transatlantique, quitte définitivement Le Havre, et c’est le Norway que l’Abeille Provence remorque jusqu'en Allemagne.
Photogrammes issus de Remorquage en haute mer, Daniel Savoye, 1979, Collection Normandie Images
L’adieu au France, Normandie actualités - Le Norway, ex France, a définitivement quitté Le Havre - 18/08/1979, Collection INA (RCC06043467).
Le France est l’héritier d’une longue aventure commencée en 1855 quand deux frères, Émile et Isaac Péreire, créent la Compagnie Générale Transatlantique (CGT) sous le nom de Compagnie Générale Maritime.
Elle se fixe pour but « Toutes opérations de construction, d'armement et d'affrètement de tous navires et en général toutes opérations de commerce maritime ».
Pour assurer son capital, la Compagnie Générale Maritime passe une convention avec l’Etat, qui veut développer la marine marchande française.
Avec cette convention, la compagnie s’engage à desservir pendant vingt ans les lignes transatlantiques vers l’Amérique du Nord, à la fois pour le transport du courrier et des passagers.
En contrepartie d’une subvention annuelle, elle devra construire la moitié de ses navires en France.
En 1861, un décret impérial change son nom en Compagnie Générale Transatlantique.
Affiche de la Compagnie Générale Transatlantique par François Appel-Parrot et Cie, 1890, Collection BNF.
Le Havre devient alors un véritable point de convergence pour des milliers de migrants qui veulent tenter leur chance aux Etats-Unis.
En 1891, la compagnie maritime allemande Hapag propose le tout premier voyage d'agrément en mer Méditerranée sur le paquebot Augusta Victoria afin de le rentabiliser durant l’hiver : la croisière est née !
Les autres compagnies maritimes comprennent rapidement l’enjeu économique : en plus du voyage de port à port, il faudra désormais proposer à une clientèle aisée des voyages touristiques maritimes aux escales prisées et à bord de navires luxueux.